« Le basket manque de visibilité »

 

Boris Pennick fait les beaux jours de Liège Basket depuis quatre saisons. Mais avant d’arriver dans la Cité Ardente, le talentueux intérieur a suivi sa propre route, tracé son propre chemin en restant fidèle à ses valeurs. Rencontre avec un jeune homme intelligent, attachant et bien dans son basket.

 

Boris, tu n’es passé professionnel qu’à vingt-deux ans, alors que tu étais sur le radar de nombreux clubs de l’élite. Pourquoi?

C’est une question de choix. A partir de mes seize ans, j’ai eu des opportunités pour rejoindre des équipes de première division mais j’ai voulu privilégier mes études. J’ai obtenu un diplôme en gestion des infrastructures sportives. Une fois cela acquis, je pouvais me lancer dans une carrière de haut-niveau.

Après avoir évolué à Braine, à Gilly (D2) et Fleurus (D2 également), tu signes ton premier contrat pro au Spirou Charleroi…

Oui, et c’est en grande partie grâce à Fulvio Bastianini, à qui je dois beaucoup. J’ai quitté Braine car le club a, plus ou moins, fait faillite, tout comme Gilly qui fut ensuite « racheté » par Fleurus. Je me suis ensuite engagé pour trois ans à Charleroi.

C’était comment de se retrouver dans ce club légendaire en Belgique?

C’était quand même assez dingue. Charleroi jouait l’Euroleague et avait une splendide équipe, avec des pointures comme Demond Mallet, Andre Riddick, Jiri Welsh ou Justin Hamilton. La première saison s’est bien passée même si je ne jouais que des bribes de matchs. La seconde un peu moins bien. Il y avait quelques soucis en interne et j’étais revenu avec un excès de poids. En fin de saison, Charleroi, qui venait de reprendre Pepinster, m’a prêté au club verviétois.

 

 

« Une importante perte de poids »

 

Une période charnière pour toi puisque tu entameras ta troisième saison pro à Pepinster en étant transformé…

Oui, tout à fait. Durant l’inter-saison, j’ai beaucoup bossé avec un préparateur physique et je me suis délesté d’une grosse dizaine de kilos. Une perte de poids qui a continué au cours de la saison. Je suis désormais plus léger d’une bonne vingtaine de kilos que je ne l’étais lors de ma période carolo.

Adroit à distance, à l’instar de son équipe.

Pourquoi décidé de perdre autant de poids?

Je n’étais pas épanoui d’un point de vue personnel, j’avais envie d’être mieux dans mon corps et dans ma peau et aussi plus performant sur le terrain.

Comment es-tu parvenu à te delester de ces kilos?

J’ai changé d’alimentation. Je ne consomme pratiquement plus de féculents le soir. Le matin je bois de l’eau chaude avec du citron vert et je mange des fruits secs. S’imposer une certaine hygiène de vie est important si l’on veut durer et performer. Il faut prendre soin de son corps. Mais cela dépend évidemment de la morphologie de chacun. Par exemple, Yoann Hertay peut manger ce qu’il veut, il sait très bien qu’il ne va pas prendre de poids.

Justement, tu as rejoué contre Yoann il y a une dizaine de jours. Qu’est-ce que cela fait d’affronter un ancien coéquipier qui est aussi un ami?

C’est sympa mais sur le terrain, il n’y a plus d’amitié qui compte. J’ai pas mal de potes qui jouent en D1 et c’est chaque fois une petite motivation supplémentaire de les rencontrer. Tout comme de jouer contre un ancien club.

 

 

« Pepinster mérite une équipe en D1 »

 

Le match s’est déroulé au Hall du Paire, une salle que tu connais bien…

Oui, c’était bizarre de jouer là-bas. Cela m’a fait plaisir et je reste persuadé que Pepinster, avec ses infrastructures et son public, mérite d’avoir une équipe au sein de l’élite.

Heureux après la victoire au Hall du Paire.

Quels souvenirs gardes-tu de ta période pépine?

Plutôt d’agréables souvenirs. Nos résultats n’étaient pas terribles mais nous avions un bon groupe. C’était une belle occasion pour moi de jouer et, « in fine », de progresser. Il n’y a pas de secret, c’est en jouant que tu progresses le plus, et Pepinster m’a permis de prendre confiance et de devenir un vrai joueur de D1.

Nous imaginons aisément que le passage de la grosse machine de guerre qu’est Charleroi au club de village qu’est Pepinster a nécessité quelques ajustements…

Bien sûr. Tout d’abord, à Charleroi, nous gagnions beaucoup, ce qui engendre un autre état d’esprit. Ensuite, le rythme était fondamentalement différent. Avec le Spirou, nous jouions l’Euroleague et nous passions notre temps dans les avions. Nous ne nous entrainions donc pas beaucoup, contrairement à Pepinster. Mais il faut savoir s’adapter, toute expérience est bonne à prendre et j’aimais le côté familial et convivial de Pepinster, que je retrouve à Liège.

Tu es désormais Liégeois depuis quatre ans, tu vis d’ailleurs à Liège avec ta copine. Que penses-tu de notre ville?

A Liège, ça bouge beaucoup, c’est très vivant et familial, un peu comme Liège Basket qui est vraiment un club différent des autres, et j’adore ça. J’apprécie le contact avec les gens. Je pense d’ailleurs que c’est une des raisons pour laquelle je suis capitaine. Je suis sociable, ouvert, je commence à connaitre pratiquement tout le monde. Après les matchs, je passe de table en table pour parler avec les partenaires, ça fait aussi partie du job.

 

 

« Jouer libéré »

 

Des partenaires qui doivent être satisfaits du début de saison. Comment juges-tu celui-ci?

Chaque début de saison, c’est un peu la loterie. L’année dernière, nous avions un bon effectif mais la saison n’a guère été concluante. Nous avons changé presque tout l’effectif, il fallait donc que la mayonnaise prenne. Nous voulions un déclic et je pense que désormais nous sommes lancés. Le bilan est pas mal même si nous sommes passés au travers face à Willebroek et que nous ne devions pas perdre contre Mons après avoir mené de neuf points.

Boris et Louis sont les deux rescapés de la saison dernière.

Votre style, un peu run and gun comme nous le confiait ton coéquipier Terry, est assez enthousiasmant...

Laurent (ndlr: Costantiello, l’entraineur de Liège Basket) nous a bien fait comprendre qu’il ne faut pas se poser de questions, qu’il faut jouer libérés. C’est agréable car il n’y a pas de restrictions pour ceux qui savent shooter.

Et cela permet de compenser votre déficit de taille à l’intérieur…

Contre certaines équipes, c’est clairement plus compliqué du lutter face à de gros gabarits. Mais on s’adapte et on se bat deux fois plus.

Tu es particulièrement concerné par ce cas de figure. Que penses-tu de ton début de saison?

Je le trouve moyen. Je peux clairement apporter plus, prendre plus de rebonds. Je ne suis pas satisfait de mes pourcentages au shoot. Mais j’estime bien me sacrifier en défense et, quand il le faudra, je saurai répondre présent.

L’objectif de Liège Basket cette saison, ce sont les Playoffs?

Oui. Nous les avons loupés la saison dernière et ce fut une grosse perte pour le club.

 

 

« Il ne faut pas négliger l’école »

 

A titre personnel, quelles sont tes ambitions?

Je veux continuer à travailler dur pour essayer d’évoluer et de m’améliorer afin de, peut-être, retrouver un club un peu plus ambitieux et regoûter à l’Europe. Mais je me plais vraiment bien à Liège et je ne suis pas non plus contraire à y faire toute ma carrière.

Boris, quand t’es-tu dit que tu pouvais devenir joueur professionnel?

Je ne me le suis jamais vraiment dit mais à seize ans, j’étais courtisé par l’Ajax School d’Ostende, Vilvoorde et Pepinster notamment, mais je n’étais pas prêt à partir. Chaque fin de saison, je recevais des propositions mais ce n’était pas le bon moment.

Et où te vois-tu dans dix ans?

Beaucoup de choses peuvent se passer d’ici-là. Il faudra que je me pose après ma carrière pour y réfléchir mais pourquoi pas rester dans le domaine sportif. J’ai un diplôme, c’est en quelque sorte une assurance de ne pas me retrouver sans rien et je pense que c’est primordial pour les jeunes de ne pas négliger l’aspect scolaire.

 

 

« Le basketball manque de visibilité »

 

Plus jeune, tu avais un modèle?

Oui, Andre Riddick et c’est assez incroyable car j’ai joué avec lui à Charleroi. Je le voyais à la TV et puis c’est devenu mon coéquipier. Quand je suis arrivé au Spirou, je lui ai d’ailleurs confié que j’avais des posters de lui dans ma chambre (rires).

Attentif aux consignes de son entraineur.

Tu évoques Riddick, qui fut une gros joueur de notre championnat. Que penses-tu de notre première division et de son évolution?

L’EuroMillions Basketball League est pas mal du tout, le niveau est bon même s’il y a moins d’argent. Cela implique qu’il n’y a plus vraiment de grosses stars qui rejoignent notre championnat mais il y a plus de Belges sur les parquets. D’ailleurs, avec la nouvelle règle qui sera mise en application l’année prochaine (ndlr: un Belge en permanence sur le terrain), ce sera bien pour notre équipe nationale.

Tu parles d’argent, nous savons que pour beaucoup de clubs, la situation est loin d’être évidente. C’est un constat que tu dresses aussi?

Bien sûr. La visibilité du basket est relativement faible, cela n’aide pas à convaincre des partenaires commerciaux et attirer des gens dans les salles. De plus, le football prend énormément de place. Je suis déjà allé quelque fois dans les loges au Standard, ce n’est pas le même monde. Les partenaires qui se lient avec Liège Basket le font vraiment par amour du club et de ce sport. Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect politique et relationnel. Si Ostende est si puissant, c’est très certainement parce que Johan Vande Lanotte est derrière. A Charleroi, le réseau du président, qui est aussi le boss de l’aéroport, doit probablement faciliter certaines choses. A Liège, nous manquons peut-être un peu de ce type de soutien.

C’est un point de vue très intéressant, merci de nous l’avoir partagé. Pour conclure, y-a-t-il une question que l’on ne te pose jamais et que tu aimerais que nous te posions?

Pas vraiment mais je voudrais préciser que cela n’est pas si facile d’être basketteur professionnel. Beaucoup de gens pensent le contraire, imaginent qu’il n’y a pas de contraintes mais c’est tout l’inverse. Devenir pro nécessite de gros sacrifices. Alors oui, c’est notre passion mais cela n’en reste pas moins difficile. De plus, il faut être fort mentalement pour y parvenir, pour gérer la pression. Ce ne sont pas forcément ceux qui ont le plus d’aptitudes qui parviennent au haut-niveau car cela induit un engagement total.