« Savoir tenir le cap »

 

Cela fait plus de trente-cinq ans que Serge Polet arpente les parquets de notre province. Coach et formateur émérite, ce professeur d’éducation physique à la retraite a récemment pris du recul par rapport à la balle orange et s’adonne désormais à la voile. Liège&Basketball est revenu avec lui sur ses années de coaching. 

 

Bonjour Serge, quel a été ton parcours?

J’ai commencé sur le tard, avec SFX, alors en D1. C’était l’époque de Stollenberg. Il y a eu ensuite Rouheid, où j’étais entraineur-joueur puis Blegny avec qui nous sommes montés de P3 en P1 en trois ans. Puis, ce fut mon premier départ vers Pepinster pour de la formation. Bavcevic est arrivé un peu après moi. Après trois ans chez les Pépins, j’ai rejoint Herve-Battice où nous avons grimpé de division une ou deux fois.

Tu pars ensuite à Liège Basket…

Exact, retour à la formation à Liège où je succède à Julien Marnegrave qui avait repris l’équipe première. Ensuite, come-back à Herve-Battice en R1 où j’avais des gars comme Vincent Theek ou Breuer.

Et puis un autre retour, à Pepinster cette fois…

Je rejoins une équipe autour de Christian Lemaire et Michel Baiverlin dans le but de synchroniser les jeunes et la D1. On monte de R1 en D3 avec des gamins comme Lenglois, Lemaire, Lodomez. Ensuite, je signe à Comblain pour deux ans. Une montée de R1 en D3 et une année de confirmation.

Avant de repartir à Liège, en jeunes.

Oui, mais je quitte Liège car je ne me suis pas entendu sur la manière de fonctionner, le décalage de générations commençait à se faire sentir. J’ai, enfin, accepté un dépannage la saison dernière à SFX pour prendre définitivement du recul par rapport au terrain cette saison.

Le basket ne te manque pas?

La compétition ne me manque pas, l’entrainement en lui-même un peu plus. Mais pendant plus de trente-cinq ans, j’ai été sur un terrain tous les jours, ça use. De plus, la nouvelle génération est différente, je le ressentais fort. Je me suis mis à la voile pour compenser.

 

 

« Savoir tenir le cap »

 

Qu’apprécies-tu dans le coaching?

J’aime pouvoir retrouver le weekend ce qui a été abordé durant la semaine. J’apprécie mesurer la capacité des jeunes à absorber et apprendre ce qu’on leur inculque et voir, avec de la patience, émerger un groupe.

Quelles qualités sont, selon toi, nécessaires pour devenir un bon coach?

SFX, son premier et dernier club.

Il est impératif de se fixer ou connaître ses objectifs à moyen-long terme et de construire ses entrainements en fonction de cela. Comprendre son groupe est également essentiel. On n’entraine pas des jeunes prometteurs de la même manière que des joueurs confirmés. La communication est aussi importante. Pour ma part, cela a toujours été assez ferme. On peut un peu discuter mais il faut d’abord s’appliquer à réaliser ce que je demande. Un entraineur doit pouvoir suivre sa route et tenir le cap.

A quoi faut-il être vigilant?

En ce qui concerne les jeunes, il faut respecter leur envie d’accéder au plus haut niveau et agir en fonction de cela. J’ai eu la chance d’avoir des joueurs avec cette envie, il fallait les pousser dans leurs retranchements afin qu’ils puissent maximiser leur potentiel. Il faut savoir être dur, mais juste. Toutefois, tant les jeunes que leurs parents doivent être cohérents et accepter de faire des concessions pour y arriver. En ce qui concerne les anciens, il faut tenir compte des qualités intrinsèques de chacun et jouer sur leurs forces. Il faut aussi respecter le fait qu’ils bossent à côté et que le basket reste un plaisir. Il faut parvenir à trouver le bon équilibre entre travail et amusement à l’entrainement, même si l’on s’amuse en bossant bien. Et ne jamais oublier que le travail paie.

 

 

« La défense est primordiale »

 

C’est la formation qui te plaisait le plus?

C’est dans mes gènes, j’étais prof d’éducation physique donc pour bien maitriser un sujet, il faut pouvoir le travailler, le prendre en main. La formation est contraignante mais apporte une réelle satisfaction. Voir de jeunes joueurs évoluer et se révéler est une source de joie. Je suis convaincu qu’on ne « forme » pas un joueur, mais que l’on participe à sa formation, tout comme les neuf autres joueurs qui l’entourent et qui lui permettent de percer au plus haut niveau. Cela étant, cela m’a aussi fait du bien de travailler avec des seniors. J’ai pu en tirer certains enseignements et découvrir une autre approche. D’autant plus qu’avec certaines équipes, comme Comblain par exemple, je retrouvais des joueurs que j’avais déjà eus en jeunes.

As-tu des principes de jeu auxquels tu ne dérogeais jamais?

La défense. Selon moi, tout démarre de là et il faut être rigoureux sur ce point. En ce qui concerne la formation, j’essayais d’amener les joueurs à comprendre le jeu, sans les enfermer dans des schémas tactiques trop rigides. Je demandais aussi de la rigueur de la part des joueurs dans leur manière d’aborder leur parcours. Si tu veux progresser et atteindre les objectifs que tu t’es fixés, alors tu dois tout mettre en oeuvre pour cela. Et cela signifiait s’entrainer tous les jours. Mais j’ai eu de la chance car, partout où je suis passé, j’ai toujours pu compter sur une participation maximale.

 

 

« Niels Marnegrave m’a marqué »

 

Serge, un joueur t’a-t-il particulièrement marqué durant ta carrière?

Il y en a eu beaucoup. Celui qui m’a le plus marqué est sans doute Niels Marnegrave. Je l’ai eu deux ans en benjamins, puis en cadets et juniors. Il avait l’idée dans sa tête de devenir pro. Il réussit à faire abstraction de tous les discours négatifs qu’il a pu entendre et est devenu un vrai joueur de D1. Il est intelligent, comprend le jeu, a eu cette envie de passer du rêve à la réalité et s’est donné les moyens d’y parvenir. Au-delà de ça, c’est un garçon bien éduqué, reconnaissant et qui m’a laissé un excellent souvenir.

Mais encore?

Olivier Troisfontaines était un peu le même type de joueur. La même compréhension, la même envie et qui a fait fi des obstacles pour passer à la vitesse supérieure et devenir un excellent joueur. Manu Mussema, maintenant dans l’équipe B d’Ostende, a aussi cette mentalité. En fait, j’ai apprécié tous les joueurs qui ont démontré que l’envie et le travail portent leurs fruits.

Un discours qui se perd?

Il y a clairement une différence générationnelle. Il y a moins la volonté de travailler dur pour y arriver. Mais les jeunes ne sont pas les seuls en cause, les parents aussi ont leur part de responsabilité. J’ai fondé mon parcours sur l’autorité, à une époque où cela passait. Maintenant, les parents sont très protecteurs envers leur progéniture et veulent que celle-ci puisse profiter de la vie. Mais il faut être logique envers soi-même. Personne ne parvient à atteindre ses objectifs sans travailler dur. Or, les parents ne sont plus toujours d’accord que leur enfant sacrifie des vacances ou des fêtes de famille pour le basket. De mon temps, aucun joueur ne ratait un entrainement à cause de la St Nicolas des étudiants, de l’anniversaire d’un ami ou d’un séjour aux sports d’hiver. Désormais, ces excuses sont monnaie courante. Mais il devient difficile d’organiser un sport d’équipe dans ces conditions. C’est finalement un manque de « respect », pas grossier certes, envers ses coéquipiers, les staffs et tous les bénévoles qui oeuvrent au sein des clubs. C’était d’ailleurs un de mes discours quand j’allais dans la formation, à savoir qu’il fallait bien séparer formation/compétition et loisirs. Mais il convient de respecter ces ensembles-là.

 

 

« Comblain reste un super souvenir »

 

Sa période comblinoise reste un excellent souvenir.

Quel souvenir reste le meilleur de ta carrière?

C’est une question délicate. Le travail fourni à Pepinster pour monter de R1 en D3 était très solide et une vraie satisfaction. Mes passages à Herve et Comblain aussi représentent de bons chapitres de mon « roman basket« . Avoir réussi l’exploit de monter de R1 en D3 avec les Comblinois en étant premiers reste un vrai bon souvenir, car maintenant tu peux monter même en finissant sixième. C’est d’ailleurs ce qui m’a un peu détaché de la compétition car désormais, de grosses équipes refusent de monter et cela fausse un peu la donne.

Que penses-tu de l’évolution du jeu?

On peut constater une sérieuse évolution. Au niveau défensif d’abord, avec des défenses de plus en plus agressives et fournies. Au niveau des qualités athlétiques des joueurs ensuite. Il y a vingt ans, il n’existait pas des athlètes tels qu’on peut en voir désormais sur le terrain. Ce sont les deux points qui ont le plus évolué selon moi. Il y a aussi la capacité à utiliser les qualités athlétiques des joueurs pour proposer un jeu moins stéréotypé, plus créatif et instinctif. Même si cela conduit parfois à des excès car il faut posséder des gars pour pratiquer ce type de basket et bénéficier de temps pour l’implémenter. Il faut une adéquation entre les qualités des joueurs, leur compréhension du jeu et ses lectures, et le style mis en place.

Et, enfin, Serge, quel est ton opinion sur le basket liégeois?

Notre Province a toujours été riche en éléments de qualité, tant du point de vue des joueurs que de l’encadrement. Mais il existe une faillite au niveau de la formation car tant à Liège qu’à Pepinster, il n’y a pas eu de ligne de conduite claire dans le temps. Les budgets ne suivant pas, notamment, les staffs d’entraineurs ont changé beaucoup trop souvent. Il aurait fallu penser les résultats sur le long terme, avoir de la suite dans les idées et cela a, malheureusement, trop peu souvent été le cas.