« La chance d’avoir fait du basket mon métier »

Ayant porté les couleurs de Tilff dans son enfance, Olivier Troisfontaines a depuis lors suivi une trajectoire brillante, de Liège à Ostende en passant par Louvain, Alost et Cholet, glanant au passage un titre de Joueur de l’année et ses galons d’international. Entretien fleuve avec « Oli 3F », tout récent champion de Belgique.

Olivier, entre tes premiers mois sans club et la fin du championnat supprimée à cause du Covid-19, cette saison restera particulière?

C’est vrai que cette saison fut un peu spéciale pour moi avec un début de saison où je m’entrainais avec Liège dans l’attente d’un club intéressé par mes services et puis, quand finalement je me sentais bien dans la compétition, elle fut interrompue par les circonstances que nous connaissons tous. Je pense toutefois que c’était la meilleure solution.

Ne pas pouvoir disputer la Coupe d’Europe – scène sur laquelle vous avez brillé cette année – ni les Playoffs alors que vous sembliez monter en régime malgré le départs d’Angola et la blessure de Thompson doit être terriblement frustrant. Quels sont tes plus gros regrets concernant cette saison?

Oui, c’est quand même très frustrant. Comme tu le soulignes, nous sentions l’équipe monter en puissance lors des dernières semaines de compétition malgré les changements survenus. Nous avions perdu en talent pur mais nous avions gagné en intensité défensive et en jeu d’équipe ce qui, à mon avis, nous rendait plus dangereux. Surtout, nous sentions qu’il était possible de renverser Ténérife dans ses installations. Nous avions fait jeu égal au premier match et nous avions dominé les Espagnols chez nous. Je pense que nous aurions pu créer la surprise. Enfin, nous sommes frustrés d’avoir été déclarés champions de cette façon. Surtout moi qui n’avais encore jamais gagné un titre de champion, j’aurais voulu le gagner avec la manière.

Comment s’est passée ton intégration à Ostende? Qu’apprécies-tu au sein de cette organisation?

Mon intégration s’est vraiment bien passée. Après quelques jours dans l’équipe, c’était comme si cela faisait plusieurs saisons que je faisais partie du groupe. Je connaissais déjà la majorité des joueurs pour avoir joué avec eux ou contre eux. J’ai vraiment apprécié l’organisation du club en général. Nous sommes là pour faire notre job sur le terrain et tout est mis en œuvre pour que nous donnions le meilleur de nous-mêmes. Dès que nous avons un souci en dehors du terrain ou par rapport au basket, il y a tout de suite quelqu’un disponible pour nous aider.

En en faisant désormais partie, comprends-tu encore mieux l’excellence d’Ostende et sa domination en Belgique?

Pour avoir côtoyé coach Gjergja à Liège, je savais comment il travaillait et, pour moi, la réussite d’Ostende durant toutes ces années malgré les nombreux changements d’effectifs n’était pas une surprise. Il a cette philosophie basket des pays de l’ex-Yougoslavie où seul le travail paie.

« J’imaginais mettre le panier de la victoire contre le Spirou »

Envisages-tu de poursuivre ta carrière à la côte belge la saison prochaine? Plus globalement, quelles sont tes aspirations pour la suite de ta carrière?

J’ai une option de mon côté pour disputer la prochaine saison avec le club d’Ostende. Nous sommes en discussion pour éventuellement l’étendre à plusieurs années, nous verrons bien à quoi cela aboutira. Je gardais l’étranger dans un coin de ma tête mais désormais, avec la situation actuelle, je crois que rien n’est certain et que nous ne savons guère vers où nous allons, encore moins à l’étranger dans les championnats espagnols, italiens ou allemands, pour ne citer que ceux-là. Ils risquent certainement d’être durement touchés économiquement et cela ne sera pas évident pour tous les clubs. Nous y verrons sûrement plus clair la saison prochaine et c’est à ce moment là que je pourrai refaire le point.

D’ailleurs, qu’apprécies-tu dans ta vie de basketteur professionnel? Est-ce conforme aux rêves que tu avais en étant plus jeune?

C’est identique aux rêves que j’avais en tête quand j’étais gamin! Je jouais dans la cour, chez mes parents, en imaginant que j’allais mettre le panier de la victoire contre le Spirou de Charleroi – car c’était l’équipe du top à ce moment-là (ndlr: Olivier était d’ailleurs un habitué du « Bozzi Camp » qui se tenait à Loverval) – et maintenant je le fais en vrai. C’est indescriptible comme sentiment. Je me rends compte aussi de la chance que j’ai d’en avoir fait mon métier. Mes proches se lèvent chaque jour pour aller faire leur journée de boulot de huit à seize heures – dans le meilleur des cas – et moi je dois aller mettre une balle dans un panier. Cela me fait encore plus apprécier ma situation, surtout que ça ne dure pas toute une vie.

Qu’est-ce qui te plaît tant dans ce sport?

Pour ma part, c’est l’adrénaline que je ressens avant et pendant un match. C’est comme une drogue, j’ai besoin de cela et de cet esprit de compétition. Quand je n’aurai plus cela, je saurai que je dois arrêter. Mais, pour l’instant, avec la saison que j’ai vécue, je n’ai qu’une envie, c’est de rejouer un match! Ce dont je ne me serais jamais douté, c’est sûrement du nombre d’amis et de connaissances que l’on peut se faire tout au long d’une carrière. Cela a commencé à Liège où j’ai rencontré Ioann Iarochevitch et Pierre-Antoine Gillet qui sont désormais comme des frères pour moi. Il y a eu ensuite Kevin Tumba à Louvain ou encore John Tofi à Alost, avec son lot d’histoires et d’anecdotes que je pourrais narrer pendant une soirée entière.

« Une BeNeleague pourrait nous être défavorable à long terme »

Tu as découvert le championnat français la saison passée avec Cholet. Que t’a apporté cette expérience dans les Mauges?

Mon expérience en France m’a apporté beaucoup de maturité. Avec le changement de coach survenu après seulement quelques rencontres, je me suis vite rendu compte que je ne faisais qu’à moitié partie des plans du nouvel entraineur et j’ai appris à essayer d’être le plus efficace possible avec le temps de jeu qui m’était accordé. Je pouvais jouer trente minutes un soir et ne pas monter au jeu le match suivant, c’était complètement aléatoire. C’était une situation difficile pour moi qui venais d’Alost où j’étais habitué à jouer vingt-cinq ou trente minutes par rencontre et où je savais qu’on comptait sur moi à chaque match. Au final, quand je tire le bilan de cette campagne avec Cholet, je sens que je m’en suis sorti encore plus fort qu’avant mon départ des Okapis.

Quelles sont les différences notables entre la Jeep Elite et l’EuroMillions Basketball League?

Selon moi, la plus grosse différence se situe au niveau physique. Ce sont tous des athlètes rapides et qui sautent haut, voire très haut. Ce n’est pas pour rien que les Américains disent que c’est le championnat français qui se rapproche le plus de la NBA au niveau athlétique. L’autre différence majeure est que tous les matchs sont à guichets fermés, que tu sois premier, milieu ou fond de classement.

Que penses-tu du basket en Belgique et es-tu favorable à une BeNeleague?

Personnellement, à court terme, je pense qu’une BeNeleague est une bonne solution. En tant que joueur, un championnat à dix-huit ou vingt équipes, c’est l’idéal. Mais sur le long terme, je crains que cela ne soit défavorable au basket belge. Le basket hollandais nous est inférieur mais avec beaucoup plus de joueurs de deux mètres et de jeunes. J’ai peur que nous servions de rampe de lancement pour leur évolution. Il me semble que les spectateurs seraient davantage réceptifs si nous ouvrions un peu plus l’EuroMillions League à des équipes de division deux et, peut-être, une équipe U23 pour lancer des jeunes joueurs, un peu comme Mega Leks en Serbie.

« John Tofi, un coéquipier qui marque une carrière »

Quels sont tes meilleurs souvenirs depuis que tu pratiques le basketball?

Pour l’instant, mes meilleurs souvenirs demeurent les Championnats d’Europe avec les équipes nationales U18 et U20 car nous avions réussi à faire de bons résultats et, surtout, parce que nous étions un bande de potes. Il y a bien sûr d’autres moments qui restent gravés dans ma mémoire. Je pense par exemple à la demi-finale de Coupe de Belgique entre Pepinster et Liège. Je n’avais pas joué mais j’étais présent sur le banc. Avant l’entame de la partie, les supporters pepins avaient organisé un jet de papier WC et nous ne voyions plus un seul bout du terrain. Ils avaient ensuite entonné le chant « Allez Pepinster » qui me donne encore des frissons quand j’y repense. Dans un autre genre, il y a aussi les match de carnaval à Alost et je ne peux pas oublier non plus mon titre de MVP.

Tu évoquais certains de tes coéquipiers qui sont devenus des amis. Quels joueurs t’ont marqué depuis tes débuts professionnels?

Comme coéquipier, je dois mettre en avant John Tofi (ndlr: le talentueux colosse d’Alost). Je crois que c’est un de ceux qui marquent une carrière car en plus d’être un bon basketteur, c’est un chouette gars. Quand tu faisais partie de son équipe, c’est comme si tu faisais partie de sa famille. Je ne peux compter le nombre de barbecues que nous avons fait chez lui. C’était un peu le papa de l’équipe, surtout pour les jeunes Américains qui débarquaient de l’université. Il les prenait sous son aile et nous avions toujours une grande cohésion dans les équipe d’Alost, en grande partie grâce à lui.

Et parmi tes coachs?

J’ai appris de chacun de mes coachs, que cela soit Yvan Fassotte, Dario Gjergja, Jurgen Van Meerbeeck… Ils m’ont tous fait évoluer d’une manière ou d’une autre et c’est grâce à eux que je suis devenu le joueur que je suis. Mais si je dois en extraire un du lot, ce serait Brad Dean. Il avait une toute autre philosophie que les autres. Il partait du principe qu’il fallait, en premier lieu, prendre du plaisir sur le terrain et que c’est ainsi que tu donneras le meilleur de toi-même. C’est ce que j’ai fait durant cette année-là. Pas une fois je ne me suis rendu à l’entrainement avec des pieds de plomb, je savais que j’allais prendre du plaisir.

Tu as débuté à Tilff. Gardes-tu des contacts dans ce club et suis-tu l’évolution constante du matricule 97?

Oui, j’ai toujours des contacts avec Quentin Pincemail (ndlr: le coach de la R1). Il me demande des nouvelles sur ma carrière et je lui en demande sur le club. Je vois que les Porais font de bons résultats avec, en prime, de nombreuses personnes qui étaient déjà présentes quand j’y étais. Cela me fait plaisir de voir que le club se porte bien. Nous essayons de nous arranger pour que je passe à un match mais, pour le moment, nos calendriers ne se sont pas encore bien ajustés. Mais ce n’est que partie remise.

Bonus: les highlights d’Olivier Troisfontaines avec Cholet sont à découvrir ici.

Crédit photo: www.championsleague.basketball