« Une vraie déception »

 

Alors que Grivegnée réalise une saison splendide et que le titre lui semble promis, le comité des Sang et Or a décidé de se séparer de son entraineur. Laurent Jérôme accuse le coup et se confie à Liège & Basketball.

 

Laurent, depuis combien de temps es-tu à Grivegnée?

J’y ai d’abord joué plusieurs années, en P3 notamment, lorsqu’on nous avons obtenu le droit de remonter en P2 et que nous avions disputé la finale de la Coupe de la Province contre une autre P3, celle de Bellaire (ndlr: en 2013).

Et comme entraineur?

Cela fait deux ans et demi que j’ai accepté de prendre les rênes de cette équipe, avec la volonté de bâtir un vrai projet sur le long terme. Cette formation avait raté son début de saison, et, après sept matchs, le coach de l’époque avait décidé de partir. A la mi-novembre, je me suis donc retrouvé sur le petit banc. Nous redémarrions de rien, en P4, et sommes montés dès la première saison. A partir de ma prise de fonction, nous n’avons plus perdu une seule rencontre.

Avec ensuite une saison mitigée en P3…

Nous savions que cela serait un peu compliqué mais nous avons terminé dans le milieu de classement sans jamais sentir le spectre de la relégation. J’avais dit au comité de me laisser deux ans afin d’atteindre la P2.

Ce qui sera vraisemblablement le cas au terme de cette saison durant laquelle Grivegnée fait la course en tête depuis septembre.

Oui, nous collons aux objectifs fixés et nous devrions, sauf incroyable retournement de situation, évoluer en deuxième provinciale la saison prochaine.

 

 

« Rien vu venir »

 

Sauf que cela se fera sans toi!

Oui, et j’ai pris un gros coup sur la tête en l’apprenant car je n’ai perçu aucun signe avant-coureur.

Explique-nous comment en est-on arrivés là?

Cela faisait un petit temps que je n’étais pas encore fixé sur mon sort. J’avais eu un entretien avec notre Président lors de la demi-finale de Coupe organisée à Grivegnée. Celui-ci m’avait laissé entendre que je poursuivrai avec le groupe mais qu’il attendait de confirmer cela lors de la prochaine réunion du comité. Pendant ce temps, de mon côté, j’activais des pistes pour renforcer notre noyau pour la saison prochaine.

Mais cette confirmation tardait à arriver?

Tout à fait et pour avoir une chance de signer les recrues que j’espérais, il fallait que j’en sache un peu plus sur ma situation. Lors de notre dernier match contre La Villersoise, j’ai discuté avec le Président et heureusement que j’étais bien assis!

Car le club ne souhaitait pas continuer avec toi?

Oui. Sportivement, Grivegnée n’a rien à me reprocher; au contraire, mon bilan sportif est perçu comme irréprochable (ndlr: avec deux montées en trois ans, c’est bien logique). Mais deux joueurs, Barry Mitchell et Nathan Stevens, ont déclaré vouloir quitter le club si je restais l’entraineur de l’équipe la saison prochaine.

 

 

« Un mauvais message »

 

De quoi tomber des nues?

Bien sûr. Nathan, c’est moi qui l’ai fait venir du Haut-Pré et je m’entends très bien avec son papa. Pour Barry, aucun joueur de la Province de Liège ne peut se targuer de posséder une telle expérience et j’en ai fait la tête de gondole de notre équipe où il est bien mis en valeur. C’est un compétiteur, il veut tout gagner alors quand cela ne fonctionne pas, c’est toujours la faute du coach. Il semble qu’il ne comprend pas toujours mes méthodes et ma façon de travailler. Mais, je me répète, si Barry est un joueur d’exception et hyper important au sein de notre dispositif, sa carrière d’entraineur n’a pas toujours été couronnée de succès.

Comment as-tu pris cette décision?

Inutile de le cacher, j’ai reçu un gros coup au moral. Je n’avais rien vu venir et nous sommes désormais quasiment champions. Je dois bien reconnaitre que j’accuse un peu le coup, d’autant que j’avais plein de projets pour ce groupe.

Vas-tu poursuivre jusqu’à la fin de saison?

Oui, j’ai envie d’aller au bout. Quand je fais les choses, c’est à fond. Je n’ai pas envie que cette saison se termine en eau-de-boudin, même si je suis très déçu de la direction qu’a choisi de prendre le club. J’estime avoir fait mon job et je ne veux pas laisser tomber la grande majorité des joueurs qui m’ont toujours soutenu. De plus, ce titre de champion qui nous tend les bras, c’est aussi un peu le mien et je n’ai pas forcément envie que quelqu’un d’autre en récolte les lauriers.

Plus globalement, c’est un message assez particulier qu’envoie Grivegnée. Le célèbre entraineur de football, Arrigo Sacchi, disait que « le club est plus important que l’équipe et l’équipe plus importante que les joueurs. » Or, ici, cela semble être tout l’inverse…

C’est aussi un peu ce que j’ai dit à notre jeune Président, Benjamin Bouché. Que cela soit bien clair, je n’ai aucunement envie de me disputer avec les membres de Grivegnée. Même si cette séparation me chagrine, je la respecte et je ne cherche pas à régler mes comptes. Je sais aussi à quel point les bénévoles s’impliquent au sein du club pour lui permettre de fonctionner au mieux. Ceci étant précisé, il est vrai que si le pouvoir décisionnel se retrouve dans les mains de certains joueurs, sur le long terme, cela engendra inéluctablement des soucis. Ce n’est pas sain.

 

 

« Le championnat n’est pas fini »

 

Comment le groupe va-t-il réagir (ndlr: entretemps, Grivegnée a été battu à domicile par Huy, antépénultième)?

Je n’en ai aucune idée mais cela pourrait engendrer quelques tensions. Le championnat n’est pas encore fini.

Quid de la saison prochaine?

A partir du moment où la décision fut actée par Grivegnée, j’ai reçu quelques propositions spontanées. Mais je dois digérer la déception. Peut-être faut-il prendre une année sabbatique.

On dit toujours que lorsqu’on tombe de cheval, il faut directement se remettre en selle.

C’est déjà la deuxième fois que j’entends cette maxime, qui est, effectivement, pleine de bon sens. C’est un peu frustrant de ne rien obtenir en retour après avoir fourni tout ce travail.

Quel genre de challenge t’intéresserait?

Un projet à moyen terme évidemment. Mais je n’ai pas envie de repartir en P4, je souhaite aussi récolter les fruits du travail fourni à Grivegnée. Dans l’idéal, je souhaite coacher en P1 ou P2. Maintenant, si un projet excitant en P3, du style Haneffe, m’est soumis, je peux me laisser tenter.

 

N.B.: Laurent Jérôme vient de perdre sa maman. Liège & Basketball lui adresse ses plus sincères condoléances ainsi qu’à ses proches.