Pincemail et Lardinois, amis et coachs invaincus

Amis dans la vie et passionnés par leur sport, leur club et le coaching, Quentin Pincemail et Arnaud Lardinois sont, avec Tilff et Aubel, invaincus dans leur série de deuxième régionale. Liège & Basketball a réuni les deux compères pour une interview croisée des plus savoureuses. Entretien fleuve avec deux coachs à succès.

Quentin, Arnaud, pensiez-vous être invaincus à ce stade de la compétition et à quoi attribuez-vous votre parfait début de saison?

Quentin : Non, bien évidemment c’était impossible de prédire que nous en serions là, surtout avec Waremme dans notre série de R2. Je pense que nous en sommes là grâce à notre esprit collectif et, surtout, parce que nous travaillons dans la continuité chaque année depuis quatre ans.

Arnaud : Non, même si nous étions annoncés parmi les favoris. Mais vu les blessures que nous avons subies en août, être invaincus à ce stade reste une surprise. Nous n’étions que cinq pour le premier déplacement de la saison à Flénu. Et nous avons réussi à l’emporter chez une très solide équipe. Je crois qu’aucun de mes joueurs n’avait jamais vécu ça et si nous rejouons dix fois ce match, je ne suis pas certain de gagner à nouveau. Je crois que la réussite de notre début de saison est liée à l’utilisation d’une zone 2-3 aux rotations assez spéciales. Désormais, les autres équipes ont bossé sur cette défense et nous changeons quelques petites choses, apportons des modifications sur « l’homme ». Notre bilan est, je crois, intrinsèquement lié à la capacité d’adaptation et de réaction de mes joueurs, à l’intelligence collective du groupe.

En tant qu’entraineurs, quels sont les principes sur lesquels vous ne transigez jamais?

Quentin : L’implication. Pour moi, il faut être tout le temps concentré, à chaque match, chaque entrainement, chaque attaque et chaque défense. C’est difficile pour les joueurs, bien sûr, car je suis très exigeant.

Arnaud : Mes principes sont en constante évolution. Au fur et à mesure de ce que j’apprends, ceux-ci évoluent. Je crois en cette capacité, pour un coach, d’apprendre à tous les âges. Néanmoins, généralement, quand je définis des principes défensifs en début de saison, je les garde jusqu’à la fin de celle-ci. Sinon, je suis assez à cheval sur la ponctualité – la première des politesse – et le comportement envers l’arbitrage. Surtout, je prône l’honnêteté envers soi-même, je n’accepte pas la malhonnêteté intellectuelle. Après un match, si j’ai commis une erreur, je m’excuse toujours et j’attends de mes joueurs qu’ils soient capables de reconnaitre également leurs erreurs. C’est ainsi que l’on avance.

Le basket évolue avec l’utilisation de joueurs de plus en plus polyvalents et la relative disparition des postes de jeu. Cela cadre-t-il avec votre vision du basket?

Quentin : Pas avec l’équipe dont je dispose actuellement. A moins d’avoir une équipe qui soit vraiment au-dessus de toutes les autres dans sa division, j’estime que chaque poste a ses spécificités, ainsi que chaque joueur doit avoir un rôle. Je ne suis pas dogmatique comme entraineur, je m’adapte à mon effectif, à l’équipe rencontrée ou au coach que l’on affronte.

Arnaud : Je rejoins Quentin sur cette question, cela dépend considérablement du noyau mis à disposition. Avec des juniors régionaux à LAAJ, j’avais effectivement un seul vrai 5, donc nous jouions de façon moins conventionnelle. Cette année, à Aubel, j’ai de vrais joueurs de poste. Toutefois, avec Gerarts et Perin qui peuvent jouer du 1 au 4, Lambot qui peut jouer du 2 au 4, je constate que lorsque nous jouons small ball, cela amène des choses performantes. Il faut toujours essayer de renverser les « match-ups » en sa faveur.

« Une partie d’échec »

Qu’est-ce qui vous plait tout particulièrement dans le coaching?

Arnaud : Quand j’avais des jeunes, l’aspect technique était très poussé. Désormais, avec des adultes c’est davantage le côté tactique qui me stimule. C’est un défi intellectuel, comme une partie d’échec, pour trouver des solutions aux problèmes qui s’offrent à nous.

Quentin : Dans le basket, et c’est génial, le coach a beaucoup d’impact sur le jeu : il est proche du terrain, dispose de nombreux temps-morts. J’apprécie cela. C’est, comme le disait Lardi, comme un partie d’échec avec le coach adverse. J’aime aussi tirer le meilleur de mes joueurs. Ce sont donc à la fois les aspect technico-tactiques et de management que j’affectionne en tant qu’entraineur. Est-ce que je prends plus de plaisir en match ou à l’entrainement? Le plaisir n’est pas le même mais les deux sont indissociables. L’entrainement sert à débriefer, à travailler certains points, à mettre des choses en place et arrive le week-end où l’ont peut constater de visu le travail réalisé la semaine.

Vous dirigez l’équipe première de votre club de coeur. Pourquoi êtes-vous tant attachés à Tilff et qu’est-ce qui rend ce club si cher et spécial à vos yeux?

Quentin : Quand je suis revenu d’Atlas à Tilff, Lardi m’avait dit une phrase qui m’avait marquée : « Nul n’est prophète en son pays ». Et c’est vrai qu’il faut faire deux fois plus d’efforts pour être pris au sérieux quand on entraine dans son club. Il faut vraiment se donner à 200% et cela m’a grandement motivé. Tilff, c’était toute mon enfance, j’y jouais, j’allais voir les équipes du club jouer. Pour faire un petit clin d’oeil à Alain Denöel, je peux affirmer qu’en me garant devant la salle de Tilff, je suis déjà content. Ce qui est génial à Tilff, c’est de pouvoir transmettre toutes les valeurs que les anciens m’avaient transmises et inculquées, ce côté familial, cette convivialité. Ce qui me plait vraiment actuellement c’est de voir des anciens – comme notre ex-Président Henri Thoelen – revenir dans les tribunes, voir des jeunes du club et leurs parents qui s’intéressent aux équipes premières, voir le club qui revit. En quelque sorte, être de l’autre côté de la barrière et participer au bon fonctionnement du club. C’est aussi très agréable de faire des résultats avec la R2 et de constater que Tilff est désormais connu à l’autre bout de la Wallonie. De plus, à Tilff, nous sommes peu à tenir le club. A l’instar de Françoise Dabée qui abat un boulot considérable, nous nous battons au quotidien afin d’assurer le bon fonctionnement du matricule 97. Cela décuple les émotions en cas de victoire – ou de défaite – car l’investissement consenti est important.

Arnaud : Aubel est spécial pour moi car c’est là que j’ai grandi alors que le basket n’y était pas reconnu. Je viens de la cité d’Aubel, ce qui faisait que je n’étais pas ou ne me sentais pas tout à fait Aubelois. Il y avait comme un petit plafond de verre. Via le basket à Aubel, j’ai pris confiance en moi, fais de belles et importantes rencontres, et je suis devenu un homme et un vrai citoyen aubelois. J’ai joué là pendant 28 ans – c’est trois-quart de ma vie! – et j’ai fais partie intégrante de la période où le basket est devenu central à Aubel, où le public à commencer à venir. Si j’ai compris que je devais quitter le club vers 33, 34 ans pour aller voir ailleurs afin de progresser comme entraineur, je suis heureux de pouvoir rapporter à Aubel ce que j’ai appris.

Vous avez tous les deux côtoyé Yvan Fassotte. En quoi Yvan a-t-il eu un impact sur vous en tant qu’entraineur?

Quentin : Yvan m’a réappris à connaître le basket, ses finesses, à donner du sens à mes entrainements, à ne rien négliger, à avoir le souci du détail. Une phrase qu’il répétait était « qu’il faut apprendre des autres et créer sa propre personnalité. » Il m’a appris à avoir l’esprit ouvert, à ne pas hésiter à poser des questions à d’autres coachs. C’est quelqu’un qui n’a pas de « secret », qui partage. J’ai eu de la chance de l’avoir sur mon parcours!

Arnaud : Quentin a raison. Yvan nous a appris à aller chercher à gauche, à droite, ce qui pouvait être utile. Je l’ai vécu avec le crossfit, par exemple, où Yvan, sur mes conseils après que je me sois pris de passion pour cette discipline, la rajoutait en fin de séance. Yvan ne voit que des opportunités pour faire progresser son équipe et son club. C’est aussi quelqu’un d’une grande curiosité. Il va voir de nombreux clinics, a soif d’apprendre et nous a sans doute communiqué cela. J’ai eu la chance de vivre deux belles années à Atlas où Yvan m’a enseigné son basket à lui, un langage commun qui fait que, notamment, on se comprend très bien avec Quentin, et une attitude.

Quentin, Arnaud a prévu deux questions pour toi. La première est la suivante : Quel est ton meilleur souvenir basket, toutes époques et équipes confondues?

Quentin : Je suis dans le basket depuis que j’ai huit ans, cela fait une tonne de souvenirs! Mais en y réfléchissant, je pense qu’il s’agit d’une victoire en huitièmes de finale de la Coupe de la Province il y a de cela quelques années. Je coachais alors la P4 de Tilff et nous étions opposés à la P2 poraise, coachée par mon ami Patrick Maquinay. C’était la Saint Nicolas du club et les gradins étaient remplis. La partie fut très serrée, nous avons recollé au score sur deux lancers dans la dernière minute avant de l’emporter. Ce fut un moment très fort et vraiment chouette pour tout le club.

L’autre question que voulait te poser Arnaud est celle-ci : Qu’est-ce qui fait de toi un coach qui gagne en R2?

Quentin : Je crois qu’il faut toujours rester humble, se remettre en question. Dans notre cas, savoir que Waremme est archi-favori de notre série nous enlève de la pression tout en nous offrant un beau challenge. Ce qui explique aussi ces victoires, c’est que nous sommes dans la continuité. Les gars se connaissent bien tout le monde est bien à sa place. Il s’agit d’un sport collectif et chez nous, chaque joueur connait les forces et faiblesses de ses coéquipiers et nous avons du vécu collectif. Je pense qu’avec le temps, j’ai construit une équipe qui me correspond humainement et sportivement. Il n’y a jamais de conflit entre les joueurs. Et ce qui est génial en bossant dans la continuité, c’est que, chaque saison, je peux ajouter de nouvelles choses avec peu de joueurs qui doivent tout assimiler. Je suis d’ailleurs très exigeant avec les nouveaux car je souhaite qu’ils connaissent rapidement toutes nos spécificités. Ce n’est évidemment pas facile pour eux mais si je les pousse autant, c’est que je crois en eux. J’ai une idée assez précise de l’équipe et des joueurs à laquelle je veux arriver.

Justement, où en êtes-vous actuellement dans ce processus?

Quentin : Nous ne sommes pas loin de ce vers quoi je souhaite tendre. Cela demande évidemment des sacrifices – de tickets shoot et de temps de jeu notamment – mais nous sommes désormais fort avancés collectivement. J’estime cependant que nous n’avons pas encore totalement exploité notre potentiel, que nous pouvons encore franchir quelques paliers. Mais je suis content de ce que nous faisons et de comment nous le faisons. J’ai aussi la chance d’avoir un groupe qui est en demande.

« Quentin a osé prendre une décision courageuse »

Arnaud, voici la première question que souhaitait t’adresser Quentin : Tu as été propulsé T1 d’Aubel après ton passage à Tilff comme T2 (rires), lorsque tu étais venu m’aider alors que j’étais dans le dur. Que retiens-tu de ce passage chez les Porais?

Arnaud : Cela m’a vraiment impressionné chez Quentin. Se sentant en difficulté, ne voyant pas de solution, il a pris la décision courageuse de demander de l’aide à un ami, moi en l’occurence. D’autre coachs auraient démissionné ou viré des joueurs pour en recruter d’autres. Pas lui. Il m’a demandé de venir l’aider, l’a expliqué au groupe. En faisant preuve de cette honnêteté intellectuelle, il n’a pas perdu sa crédibilité auprès de ses joueurs, bien au contraire. Cela a renforcé la confiance que son équipe avait envers lui. C’est rare les personnes qui osent ainsi faire un pas de côté. Nous avons rapidement réglé certaines choses, les joueurs ont apprécié la démarche et me respectaient à l’instar d’un T1. Et nous avons enchainé les victoires. Ce fut un vrai plaisir d’être à côté de lui sur le banc pour trouver des solutions afin de contrer l’adversaire. Nous nous appelons bien trois fois par semaine désormais pour échanger sur nos jobs respectifs, donc à l’époque où nous nous occupions ensemble de Tilff, c’était un échange permanent!

L’autre question que voulait te soumettre Quentin est la suivante: Toi qui est un des coachs les plus sous-estimé de la Province, peux-tu rappeler les étapes marquantes de ton long parcours basket?

Arnaud : J’ai joué 28 ans à Aubel. Ce fut une période géniale où jeune adulte et adulte, vivant à Aubel et jouant dans le club du village, j’ai pu m’épanouir. Je suis ensuite allé à Stavelot pour être l’assistant de Pascal Mossay, qui est un ami de longue date. Nous sommes montés de P1 en R1, j’étais aussi en charge de l’équipe B du club, un chouette club avec une super ambiance. Ce fut un passage hyper intéressant dans mon parcours. J’ai ensuite eu la chance d’aller à Liège Basket entrainer des jeunes, benjamins puis pupilles, avec qui nous avons eu de bons résultats. J’ai apprécié la confiance que m’a octroyée Vincent Kreusch, notamment dans l’organisation de stages. J’ai pu découvrir un autre décor et constater que ce que je faisais était pas mal du tout. C’est là que j’ai croisé Yvan Fassotte que j’ai ensuite rejoint à Atlas comme assistant. J’y ai coaché les juniors AWBB, avec qui nous avons été champions. C’était super d’apprendre le coaching « presque pro » de joueurs à gros potentiels et de découvrir la boulimie de travail et l’investissement d’Yvan.

A l’inverse de Quentin, tu ne disposes pas d’un noyau pléthorique à Aubel. Que préfères-tu finalement, un large noyau ou un effectif plus restreint?

Arnaud : Dans l’absolu, c’est toujours mieux d’avoir un noyau de dix ou de huit joueurs confirmés et deux jeunes. Il y a des avantages et des inconvénients dans les deux cas. Quand tu as dix gars de niveau pratiquement équivalent, il faut pouvoir les « nourrir » tous. Il faut alors faire comme Quentin et augmenter l’intensité à son seuil maximum ainsi les gars sont heureux de sortir après cinq minutes afin de pouvoir souffler. Dans tous les cas, ce qui importe, c’est de s’adapter et de ne pas s’entêter dans une « philosophie ». Le but final, ça reste de gagner le week-end.

Tant Tilff qu’Aubel sont actuellement invaincus en championnat. Jusqu’à quand va durer cette série?

Quentin : Ce n’est pas le plus important. Nous devrons aller à Ninane ce samedi et ce sera chaud juste avant le derby entre la TDM2 calidifontaine et celle de Comblain. Après, nous affronterons encore trois grosses équipes. Je suis davantage concentré sur le prochain match, sur ce qu’il y a à faire pour bien prester, que sur notre série de victoires.

Arnaud : Nous avons un déplacement difficile à Ixelles le 18 décembre et puis nous irons à Mons – encore plus compliqué avec leurs trois gars de D3 – début janvier. Jusque là, si nous n’avons pas de blessés et que nous restons constants, c’est gérable. Nous pourrions réaliser un sans-faute au premier tour.