Des jumelles de Félix à la tarte au riz d’Alfred

Les carnets du basketteur

 

 

En près de quarante ans de carrière, Michel Christiane a accumulé une kyrielle de souvenirs et d’anecdotes. De Fond-de-Forêt à Barcelone. Régulièrement, pour Liège & Basketball, il vous proposera un billet dont le seul but sera de vous faire sourire et de permettre aux plus jeunes de découvrir « le basket du siècle dernier » …

 

Les premiers correspondants de presse couvrant le basket étaient souvent haut en couleur. C’est le moins que l’on puisse écrire. Comme vous allez pouvoir en juger…

Au niveau des journaux régionaux, feue La Wallonie était la pionnière du genre. Pour relater le basket principautaire, elle fit d’abord appel à Félix Maréchal. Pour la simple raison que le Herstalien était l’entraîneur des sélections provinciales de l’époque. Il avait cependant des idées bien arrêtées. C’est ainsi qu’il ne supportait pas les cheveux longs. Très à la mode à ce moment-là. Il intima l’ordre à Giovannni Casamento de passer chez le coiffeur. Celui-ci refusa et fut, du coup, écarté de l’équipe alors qu’il en était le meilleur élément offensif. Avec l’âge, le « camarade » Félix voyait de moins en moins bien. Résultat des courses : il suivait les matches du Standard Boule d’Or, dans l’ancien Country Hall, à l’aide de… jumelles.

Plus folklorique encore était, en région verviétoise, Alfred Clignet. Ce réparateur d’ascenseur ne se déplaçait qu’en mobylette pour le compte du Jour. Non content de posséder une immense culture générale, il était doté d’une mémoire éléphantesque. Il pouvait, par exemple, vous citer sur le champ le résultat d’un match de P3 s’étant disputé quelques années auparavant. Les plus sceptiques ont d’ailleurs toujours prétendu qu’il était surtout fort inventif en la matière. On lui laissera le bénéfice du doute. Célibataire endurci, il ne cachait à personne que, chaque vendredi soir, il se rendait dans le quartier Cathédrale à Liège pour « sa visite sanitaire hebdomadaire », selon son expression.

Le dimanche était sacré pour lui. Il abandonnait son éternelle salopette de la semaine ainsi que son pétaradant deux-roues. Il mettait un point d’honneur à « s’endimancher » et empruntait les transports en commun. Or, il se fait que dans les années 70, les Spadois jouaient la montée en D2 nationale dans le Pouhon du centre-ville. Un frigo qui était surtout un enfer pour leurs adversaires. Dont et surtout Fayenbois emmené par le phénoménal Charly Funck. Tous les quinze jours, donc, Alfred-le-Débonnaire quittait son appartement de Hodimont (qu’il nommait déjà « Boulevard d’Istanbul »), prenait le train à Verviers Central et en descendait à Spa. Sur le chemin du Pouhon, il achetait systématiquement une imposante tarte au riz à la boulangerie Lagarde, juste en face du casino. Il s’en empiffrait pendant l’échauffement des joueurs et, précurseur du recyclage des déchets, écrivait son compte-rendu… sur le carton de tarte qui lui restait.

Alfred, on l’aimait ou on ne l’aimait pas. Moi, je l’adorais.

 

Michel CHRISTIANE