A tire d’aile des pigeons voyageurs

      

Les Carnets du basketteur, saison 2! En près de quarante ans de carrière, Michel Christiane a accumulé une kyrielle de souvenirs et d’anecdotes. De Fond-de-Forêt à Barcelone. Il est cette fois question de l’évolution des techniques d’information et quelques anecdotes savoureuses qui s’y rapportent.

    

Comme je l’ai expliqué dans une précédente chronique, mes premiers papiers – pour La Gazette de Liège – remontent à septembre 1980. Ce qui m’a peut-être le plus impressionné au cours du temps, c’est une évolution technologique galopante… pas toujours facile à maîtriser. 

1980, donc, je récupère la plupart des matches par téléphone et suis encore obligé de taper les comptes rendus sur une ancestrale machine à écrire. Rituel immuable du dimanche soir : je vais déposer l’enveloppe contenant ma « précieuse prose » dans la boîte aux lettres d’un Theutois travaillant, le lendemain, à Liège où un préposé du journal vient chercher le pli. Ce n’était plus le temps des pigeons voyageurs, mais on n’était pas très loin… 

Quelques années plus tard, arrivée sur le marché des fameux fax. Une invention assez géniale. C’est ainsi qu’elle me permet de transmettre mes articles directement à la rédaction. Ceci dit, celle-ci est assez réduite et ils ne sont introduits dans le système du journal que le lundi matin quand les secrétaires reprennent le travail. Au niveau de la rapidité de l’information, on a déjà connu beaucoup mieux… A ce propos, cette anecdote : l’équipe nationale dispute un tournoi qualificatif à l’Euro au Portugal. Le personnel du Palace d’Anadia vient de recevoir cette machine infernale, mais éprouve les pires difficultés à la faire fonctionner. A mon arrivée, je m’empresse de les tirer d’affaire et, grâce à mon intervention, j’ai été le roi de l’hôtel durant le reste du séjour… 

Survint ensuite l’apparition du mémorable Tandy, le « père spirituel » des portables actuels. La DH ne tarde pas à me fournir un exemplaire et je suis ainsi le tout premier à pouvoir l’utiliser dans les salles et les stades principautaires. Une véritable attraction car les gens avaient du mal à comprendre comment il était possible de transmette à la seconde-même son texte à Bruxelles (dans mon cas) en branchant simplement l’appareil à une prise téléphonique. En revanche, son usage s’avérait nettement plus complexe à l’étranger car il fallait coller son oreille à un gros écouteur, attendre un « bip » bien spécifique et peu audible, appuyer illico sur une touche déterminée – la F4, pour être précis – puis prier pour que le miracle se produise. En revanche, ce Tandy-là était d’une fiabilité à toute épreuve. J’en garde d’ailleurs toujours un (photo) dans une armoire de mon bureau. C’était dès lors parti pour une course folle, voire à la surenchère, afin de savoir qui proposerait les machines les plus performantes et les plus sophistiquées ? Avec, dans la foulée, l’apparition des réseaux sociaux où n’importe qui peut désormais se prendre pour un journaliste en herbe. Avec toutes les dérives que l’on connait. Autre conséquence fâcheuse, de très grandes « plumes » ne se sont jamais adaptées à cette véritable révolution informatique. On songe, ici, à André Simon, la classe à l’état pur et qui était le « pape du basket » au Soir, ou encore, à Jean-Louis Donnay, la référence francophone en matière de football. « Je ne me suis jamais habitué au stress engendré par le fait que tu te retrouves seul à un match avec l’obligation de rentrer ton reportage le plus vite possible. Tout en redoutant le moindre incident technique au moment de la transmission. J’ai de suite compris que la qualité de mon écriture s’en ressentait et j’ai préféré arrêter. »

Le revers d’une inexorable médaille.

    

Michel CHRISTIANE